Djamel Touhami

Djamel Touhami, 18 ans de prison, expulsé sept fois, revenu autant, régularisé en 2004

En 1955, nous sommes, avec mes parents, arrivés en France. J’étais alors âgé d’une année. J’ai ensuite effectué l’intégralité de ma scolarité à Lyon, où j’y ai aussi travaillé puis me suis marié.

En 1985, j’ai été condamné par la Cour d’Appel de Lyon, à la peine de 18 mois fermes d’emprisonnement, pour une affaire libre (qui a été instruite par le magistrat instructeur qui n’a pas jugé utile de m’incarcérer). Et la peine complémentaire d’une interdiction de séjour définitive sur le territoire national. Je ne pouvais alors pas accepter de vivre loin de ma fille, mes frères et sœurs et mes parents. Je ne l’admettais pas.

Au mois de mars 1987, j’ai été expulsé en Algérie. Je suis revenu 1 mois après clandestinement.

Le 5 octobre 1987, j’ai été interpellé et condamné à la peine de 12 mois d’emprisonnement pour séjour irrégulier et infraction à l’arrêté d’expulsion. A ma libération, le 5 octobre 1988, j’ai de nouveau été expulsé en Algérie.

Je tenais à vous dire qu’à cette date, en Algérie, le peuple se soulevait contre le régime militaire. L’islamisation grandissante de cette période a conduit l’armée algérienne à tirer sur la foule. Cet évènement a fait 500 morts. Les militaires ont alors pris le pouvoir sur les civils.

A ma descente du bateau le 6 octobre 1988, j’ai été réceptionné par les militaires qui m’ont interné dans une caserne où je fus tabassé à coups de matraque et de crosse, au même titre que les nationaux qui arrivaient en masse dans la caserne. Ces 3 semaines de torture marquent encore mon esprit.

Libéré 3 semaines après, je suis revenu clandestinement en France, à Lyon 1 mois après.

Arrêté au mois de juin 1989, pour séjour irrégulier, infraction à un arrêté d’expulsion, falsification de documents administratifs, usage de ces documents falsifiés et infraction à la législation sur les stupéfiants, je fus condamné à la peine de 5 années d’emprisonnement.

Sortie au mois de juin 1993, je fus conduis sur le tristement célèbre centre de rétention d’Arenc à Marseille. A la suite de cette période j’ai été conduit en Algérie, par bateau.

Revenu 1 mois après clandestinement, je fus une nouvelle fois arrêté au mois de janvier 1994.

2 mois après mon incarcération, mon père Lounis est décédé. Le juge d’instruction a alors refusé de me donner une permission sous escorte pour assister à ses obsèques.

Libéré au mois de juin 1997, j’ai de nouveau été expulsé en Algérie.

Au mois de février 1998, j’ai été contacté par des copains, également frappés de la double peine, qui voulaient organiser une grève de la faim. Nous n’étions pas d’accord sur le lieu de l’évènement. Eux voulaient la faire au JALB (Association des Jeunes Arabes de Lyon et Banlieues). De mon côté, j’avais la crainte d’un amalgame dans l’esprit des gens, notamment au regard de l’actualité 3 ans auparavant, en 1995, au sujet de l’affaire Kelkal.

Je voulais alors le faire à l’église Saint Michel, située Avenue Berthelot, dans le 7ème arrondissement de Lyon. Pourquoi ce lieu ? A cette époque, l’aumônier catholique était le Père Christian Delorme. Connaissant son militantisme contre la double peine et son soutien de poids, je trouvais alors judicieux de le faire entre ces murs. Mais je n’ai malheureusement pas été écouté par les grévistes.

A la suite de cette grève de la faim qui a duré 51 jours, le Ministre de la Justice a nommé une commission pour réfléchir sur les problèmes de la double peine.

Je fus arrêté au mois de Janvier 1999 pour séjour irrégulier, infraction à l’arrêté d’expulsion, usage de documents administratifs falsifiés, infraction à la législation sur les stupéfiants.

Libéré en 2002, je fus de nouveau conduit en Algérie. Revenu une nouvelle fois, 15 jours après, je vivais clandestinement à Lyon. Jusqu’au mois de janvier 2004, où Monsieur Jean Costil, président de la CIMADE de Lyon et Monsieur Bernard Bolze, coordinateur contre la double peine, ont permis l’abrogation de mon arrêté d’expulsion. Je fus assigné à résidence dans le département du Rhône. Une assignation renouvelable tous les 6 mois avec un pointage par mois auprès du commissariat de ma commune. Cela a duré 4 années.

J’avais le droit de poser une requête par an, en vue de faire abroger la peine complémentaire de l’interdiction de séjour définitive sur le territoire national. A chaque fois, je me heurtais à un refus, jusqu’au mois de janvier 2008 où le coordinateur contre la double peine, Monsieur Bernard Bolze et Jean Costil ont plaidé ma cause auprès du Procureur Général de Lyon.

Ce dernier a alors accédé à ma requête et j’ai pu obtenir un titre de séjour. Depuis cette date, je n’ai plus jamais remis les pieds en prison.

Voilà ma vie, voila mon histoire.

La double peine dans Le Monde

Atelier

Étrangers détenus : vite jugés, vite enfermés

Christian Delorme

Djamel Touhami 

Valérie Icard

Modération : Annie Kensey

samedi 29 juin

14h30 – 16h

École maternelle – Dieulefit

Gratuit 

Commencez à saisir votre recherche ci-dessus et appuyez sur Entrée pour rechercher. Échap pour annuler.

Remonter