La corde du diable : histoire du barbelé

— PENDANT LES RENCONTRES

un film de Sophie Bruneau88 min, VOSTFR France, Belgique, 2014 

📅 vendredi 9 juillet

🕐 16h 

En présence de la réalisatrice

La Halle Dieulefit

Gratuit sur réservation


 » La corde du diable « . Joli titre, à la fois évocateur et étrange, pour parler du… fil barbelé. Découverte aux côtés du Français Marc-Antoine Roudil en 2005 avec leur documentaire sur la souffrance au travail « Ils ne mourraient pas tous mais tous étaient frappés », la Bruxelloise Sophie Bruneau s’essaie en solo à un essai philosophico-poétique sous forme de road movie dans l’Ouest américain. 

Inventé en 1874, le fil barbelé a permis une appropriation rapide du territoire américain, marquant la défaite des Indiens mais aussi la fin des cow-boys, devenus inutiles dès lors que le bétail ne paissait plus en liberté. « Aux États-Unis, il y a des centaines de collectionneurs de fil barbelé. Le rapport culturel au fil est totalement différent qu’en Europe, explique Sophie Bruneau. Pour eux, ça participe de la Conquête de l’Ouest, de la lutte contre le sauvage et donc de la civilisation. Comme le premier train, le moulin à vent ou le revolver. Cela a été important dans l’appropriation et la mise au pas de l’espace. En vingt-cinq ans, ils ont clôturé un espace qui semblait infini. Ils se le sont approprié pour le revendre en domaines publics et éradiquer tout ce qui préexistait. Ce fil est lié à tout un mouvement du capitalisme. Dans le film, c’est une progression vers la mort : celle du sauvage, des Indiens, des animaux, des migrants dans le désert… » 

Beaucoup de recherches

Lente errance dans les grands espaces américains, « La corde du diable » est le résultat d’un long mûrissement dans la tête de la cinéaste. « Ni le fil ni l’Amérique n’étaient le point de départ, explique-t-elle. Au début, je me suis intéressée à la généralisation des caméras de surveillance dans l’espace public. J’ai commencé à lire des philosophes critiques autour de la société de contrôle : Foucault, Deleuze… Je me suis intéressée à l’organisation des villes pour mieux contrôler les citoyens, à la numérotation des rues, liée au contrôle d’identité et qui remonte à la Révolution française…

Et puis je suis tombée sur un petit livre d’Olivier Razac  » Histoire politique du barbelé « . Il racontait trois périodes : la Grande prairie, la Première Guerre mondiale et les camps de concentration. Tout d’un coup, je voyais résonner ensemble plein de choses que je n’arrivais pas à articuler : le rapport homme/animal, un article du philosophe Giorgio Agamben qui, en janvier 2002, refusait de se rendre aux USA à cause du contrôle biométrique aux frontières. Reprenant Foucault, il parle d’animalisation de l’homme à travers les dispositifs de surveillance et de contrôle… » 

Démystifier le western

Très délicat, le documentaire emmène le spectateur dans un voyage métaphorique au rythme de longs travellings de droite à gauche, symbolisant la conquête de l’Ouest américain. « Au montage, j’ai vite éliminé les archives de la fin XIXe et, par la même occasion, la voix off. Images et sons devaient donc se suffire à eux-mêmes. Je recherche toujours une forme qui pense, qui soit porteuse de l’histoire qu’elle exprime. Comment filmer la clôture ? J’ai aussitôt pensé au travelling, qui donne un sentiment d’infini. Et de droite à gauche pour signifier qu’on allait avancer vers l’Ouest. Mais sans être dans un esprit road movie car on avance aussi avec les plans fixes. »

Si  » La corde du diable  » n’est pas un road movie, il réactive sans cesse – ne fût-ce que par son titre – la mythologie de l’Ouest ou en tout cas ses vestiges : villes fantômes, granges délabrées, carcasses à l’abandon… « Le western travaille énormément le mythe américain. Moi, j’étais clairement dans la démystification. Tout d’un coup, la ligne droite devenait le contingentement et non plus la route de la liberté dans les grands espaces. Dans son bouquin « West », Wim Wenders parle de quelque chose qui rentrait totalement dans mon récit d’une progression vers la mort et la destruction. Il dit que l’Ouest est un endroit où tout se dégrade à une vitesse exponentielle, comme dans la forêt tropicale, à cause de la météo, de la désertification. Je me suis donc mise consciemment à la recherche de ces paysages désolés. » 

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